Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/143

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C’était froid, raisonnable et terrible. La veille, le grand bâtiment lui était apparu comme une tour telle qu’on en voit en rêve. Maintenant, il s’étonnait de ces marches interminables, fatigantes ; il était comme intimidé de leur succession infinie. Ce n’était pas l’horreur ardente du songe, de l’illusion, de l’exagération. C’était de l’infini abstrait, mathématique, quelque chose d’impossible à penser et d’indispensable pourtant à la pensée. Cela rappelait les constatations stupéfiantes de l’astronomie sur les distances qui séparent les étoiles fixes. Syme faisait l’ascension du palais de la Raison, laquelle passe en hideur la Déraison elle-même.

Au moment où ils atteignirent la porte du docteur Bull, ils virent par une dernière fenêtre l’aurore s’encadrer d’une grossière bordure rouge, du rouge de l’argile plutôt que des nuages.

Et quand ils entrèrent dans la mansarde du docteur, elle était inondée de lumière.

Syme était hanté d’un souvenir historique, qu’il associait à ces chambres vides et à cette aurore austère. En pénétrant dans la mansarde, en voyant le docteur assis à une table et en train d’écrire, il se précisa aussitôt ce souvenir. Un souvenir de la Révolution française. Entre la bordure rouge et la blanche aurore elle-même, comment se pouvait-il que le profil noir de la guillotine ne se montrât pas ? Le docteur Bull ne portait qu’une chemise blanche et un pantalon noir ; cette tête brune, rasée, n’appelait-elle pas la perruque ? Ne venait-