Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

matin, camarade, dit-il en reprenant les façons lentes et prudentes de Worms. Vous avez sans doute tout préparé pour l’affaire de Paris ? Et il ajouta très lentement : Tout retard, d’après les informations que nous avons reçues, serait funeste.

Le docteur Bull souriait toujours et ne parlait pas. Le professeur reprit, s’arrêtant à chaque mot :

— Je vous en prie, ne vous blessez pas de notre procédé. Il faut modifier les plans, ou, s’il est trop tard pour y rien changer, rejoindre tout de suite le camarade chargé de l’action et le prémunir contre des dangers imprévus. Le camarade Syme et moi, nous avons eu une aventure. Il me faudrait plus de temps pour vous l’expliquer qu’il ne nous en est laissé pour en profiter. Je suis prêt néanmoins, mais les minutes sont précieuses, à vous donner tous les détails, si vous croyez qu’il vous soit essentiel de les connaître pour résoudre le problème qui nous occupe.

Il tirait ses phrases en longueur, il les faisait insupportablement filandreuses, dans l’espoir d’impatienter le petit docteur, de révolter son sens pratique et de l’amener à une explosion de rage où se montrerait son jeu. Mais le petit docteur souriait toujours, et le monologue du professeur était peine perdue. Syme s’impatientait, et à son impatience se mêlait un sentiment de désespoir. Il venait de subir, une demi-heure plus tôt, avec quelque terreur, le silence cataleptique du professeur ; mais ce n’était rien auprès du silence souriant du doc-