Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/146

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teur ! Il y avait toujours, dans les fantaisies du professeur, quelque chose de grotesque, simplement, qui rassurait. Syme se rappelait ses angoisses de la veille, comme on pense à la peur qu’on eut, tout enfant, de Croquemitaine. Mais, ici, on était dans la lumière du jour ; il y avait dans cette chambre un homme sain et fort, en habits du matin, un homme nullement original, si ce n’est par ses vilaines lunettes, un homme qui ne montrait pas les dents, qui ne jetait pas de regards furieux : un homme qui souriait et se taisait ! C’est cette réalité qui était insupportable. Sous la lumière grandissante du jour, les nuances du teint du docteur, du drap de son habit, prenaient un relief effrayant, comme il arrive que des détails sans intérêt, dans les romans naturalistes, prennent une importance excessive. Toutefois, rien de provocant dans le sourire, rien d’impertinent dans le port de la tête. Seul son silence était de plus en plus inquiétant.

— Comme je viens de le dire, reprit le professeur avec l’effort d’un homme qui se fraierait un chemin dans le sable, l’aventure qui nous est arrivée et qui nous amène chez vous, pour nous informer au sujet du marquis, est de telle nature que, peut-être, vous désirerez en connaître les détails. Mais, car elle est arrivée à Syme plutôt qu’à moi…

Les mots se suivaient péniblement, il les prolongeait comme dans un hymne, et Syme, qui