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CHAPITRE X

LE DUEL

Syme s’assit à une table de la terrasse, avec ses compagnons. Ses yeux brillaient comme les flots dans la lumière du matin. Il commanda une bouteille de vin de Saumur. Sa voix, ses gestes, manifestaient de l’impatience et encore plus de gaîté. Il était d’humeur hilare. Il se surexcitait de plus en plus, à mesure que le vin baissait dans la bouteille. Au bout de quelques minutes, il n’ouvrait plus la bouche que pour débiter des torrents de sottises. Il prétendait tracer le plan de la conversation qui allait s’engager entre lui et le fatal marquis. Il en prépara au crayon une esquisse sommaire. C’était comme un catéchisme, par questions et réponses, et il le récitait avec une extraordinaire volubilité.

— Je m’approcherai de lui. J’enlèverai mon propre chapeau avant de lui enlever le sien. Puis, je dirai : « Le marquis de Saint-Eustache, je crois ? » Il dira : « Le célèbre monsieur Syme, je suppose ? » Et, en excellent français : « Comment allez-vous ? » À quoi je répliquerai en excellent cockney : « Oh ! toujours le même Syme[1] !… »

  1. Jeu de mots intraduisible, The same, « le même », se prononce en cockney (argot de Londres) à peu près comme Syme.