Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/173

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Impossible à Syme de regarder la ligne du chemin de fer ; mais il n’en avait pas besoin : la subite folie combative du marquis signifiait assez clairement que le train de Paris arrivait.

L’énergie fébrile du marquis dépassait son but. Deux fois, en parant, Syme fit voler l’arme de son adversaire hors du cercle de combat, et sa riposte fut si rapide que cette fois, il n’y avait nul doute possible. La lame de Syme s’était courbée en s’enfonçant. Il était aussi sûr d’avoir transpercé son adversaire qu’un jardinier peut être sûr d’avoir fiché sa pioche dans la terre. Pourtant, le marquis recula sous le choc, sans chanceler, et Syme regarda, d’un œil stupide, la pointe de son épée : pas la moindre trace de sang.

Il y eut un instant de silence rigide puis, à son tour, Syme se jeta furieusement sur son ennemi, et à sa fureur se mêlait une curiosité exaspérée.

Le marquis était meilleur tireur que Syme ; mais, distrait en ce moment, il risquait de perdre ses avantages. Son jeu devenait désordonné, hasardeux et même faiblissait. Sans cesse il regardait du côté de la voie, évidemment bien plus préoccupé par le train que par l’acier de l’adversaire. Syme, au contraire, apportait de la méthode dans sa fureur. Il y avait de l’intelligence dans sa furie. Il voulait savoir pourquoi son épée restait vierge de sang et il visait moins à la poitrine qu’à la figure et à la gorge.

Une minute et demie après, l’épée de Syme