Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/193

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— Parfaitement, dit le colonel. Et c’est pourquoi il est riche.

— Une idée ! s’écria Bull tout à coup. Combien nous demanderait-il pour nous prendre dans sa voiture ? Ces chiens sont à pied : nous pourrions ainsi les distancer.

— Proposez-lui n’importe quoi ! s’écria Syme. J’ai beaucoup d’or sur moi.

— Mauvais calcul, dit le colonel. Il ne vous prendra au sérieux que si vous marchandez.

— Oh ! s’il marchande ! s’écria Bull impatient.

— Il marchande, dit l’autre, parce qu’il est un homme libre. Vous ne comprenez pas que votre générosité éveillerait sa défiance. Et il ne vous demande pas de pourboire.

Ils croyaient déjà entendre le bruit des pas de leurs étranges persécuteurs. Ils durent pourtant, tout en piaffant d’impatience, attendre que le colonel eût parlementé avec le paysan, sur ce ton de plaisant badinage qui est d’usage dans les foires, les jours de marché.

Mais au bout de quatre minutes, ils virent que le colonel ne s’était pas trompé. Car le paysan était entré dans leurs vues, non pas avec cette servilité d’un valet qu’on a payé grassement, mais avec toute la dignité d’un avoué qui a été dûment « honoré ». À son avis, ce qu’ils pouvaient faire de mieux était de gagner une certaine petite auberge perchée sur la colline qui domine Lancy ; l’aubergiste, un ancien soldat tombé dans la dévotion sur