Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/192

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— Par exemple, répondit Syme, en dardant son index juste en face de lui, je le défierais de convertir cet homme-ci.

Ils étaient arrivés dans une clairière baignée de lumière, qui, aux yeux de Syme, symbolisait son retour au bon sens. Au milieu de cette clairière se tenait un homme qui eût pu représenter ce bon sens de la façon la plus auguste. Bronzé par le soleil, ruisselant de sueur, grave de cette gravité infinie des petites gens qui s’acquittent des besognes indispensables, un lourd paysan coupait du bois avec sa hachette. Sa voiture était à quelques pas, à demi pleine déjà. Son cheval, qui broutait l’herbe, paisiblement, avait, comme le bûcheron lui-même, l’air tout à la fois courageux, sans désespoir et comme son maître il était prospère, et pourtant triste. Ce paysan picard, anguleux et maigre, d’une stature plus haute que la moyenne des Français, apparaissait, se détachant en noir sur un carré de lumière, comme quelque figure allégorique du travail, peinte à la fresque sur un fond d’or.

— Monsieur Syme m’affirme, dit Ratcliff au colonel, que cet homme ne sera jamais anarchiste.

— Monsieur Syme a raison, répondit le colonel Ducroix en riant, ne serait-ce que parce que cet homme a du bien à défendre. Mais j’oublie que, dans votre pays, on n’est pas habitué à voir des paysans riches.

— Il semble bien pauvre, dit le docteur Bull, sceptique.