Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/204

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ne tardèrent pas à reconnaître, dans ce fanatique chevaucheur, le secrétaire de Dimanche.

— Je regrette vivement d’abréger une discussion savante, dit le colonel. Pourriez-vous, cher ami, me prêter votre automobile sur-le-champ ?

— J’ai une vague idée que vous êtes tous fous, observa le docteur avec un aimable sourire, mais, à Dieu ne plaise que la folie et l’amitié ne puissent faire bon ménage ! Allons au garage.

Le docteur Renard était un homme très bon et puissamment riche. Sa maison était un petit musée de Cluny, et il possédait trois automobiles, dont, personnellement, il faisait un usage très discret, ayant les goûts simples de la classe moyenne française. Nos gens perdirent quelques minutes à examiner les voitures, à s’assurer que l’une d’elles était en bon état de service, et ce ne fut pas sans peine qu’ils la poussèrent dans la rue, devant la porte du docteur.

En sortant du garage, ils s’aperçurent avec surprise que le jour s’éteignait : la nuit venait avec cette soudaineté qu’elle n’a qu’aux pays tropicaux. Avaient-ils mis à faire leur choix plus de temps qu’ils ne pensaient, ou s’était-il formé au-dessus de la ville quelque extraordinaire amas de nuages ? Ils regardèrent, le long de la rue en pente, et crurent distinguer un léger brouillard qui s’élevait de la mer.

— Maintenant ou jamais ! dit Bull. J’entends les chevaux.