Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/208

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Le bon sens et l’optimisme de Bull se révoltèrent. Il s’écria :

— Tout cela n’est que folie et sottise ! Si vous croyez vraiment que de bons bourgeois, dans leurs bonnes maisons bourgeoises, nourrissent des sentiments anarchistes, c’est que vous êtes vous-même plus fou qu’un anarchiste ! Si nous retournions pour nous battre avec ces misérables, nous aurions toute la ville avec nous !

— Non, dit l’autre avec une simplicité déconcertante, c’est pour eux que toute la ville prendrait parti. D’ailleurs, vous allez voir…

Tandis qu’ils parlaient, le professeur, soudainement inquiet, s’était penché en avant :

— Qu’est-ce encore que ce bruit ? fit-il.

— Les chevaux ! dit le colonel. Je croyais pourtant que nous avions du chemin entre eux et nous !

— Les chevaux ? dit le professeur. Non ! Ce ne sont pas des chevaux ! Et le bruit ne vient pas de derrière nous.

Au même moment, au bout de la rue devant eux et en travers, deux formes éclairées passèrent avec un bruit de ferraille. Elles s’évanouirent dans un éclair, mais chacun avait reconnu des automobiles, et le professeur se leva tout pâle et jura que c’étaient celles qu’ils avaient laissées dans le garage du docteur Renard.

— Je vous dis que ce sont les siennes, répéta-t-il, et elles étaient pleines d’hommes masqués !