Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses rayons se colorait d’or ardent, et ces derniers feux du couchant étaient aigus et minces comme des projections de lumière artificielle dans un théâtre. L’auto, atteinte par ces clartés, brillait comme un char enflammé. Mais, autour d’elle, et surtout aux extrémités de la rue, tout était déjà dans la nuit. Pendant quelques secondes, les détectives ne purent rien voir. Enfin, Syme, de qui la vue était singulièrement perçante, eut un petit rire amèrement ironique :

— C’est parfaitement vrai, dit-il. Il y a une foule, ou une armée, ou je ne sais quoi d’analogue, au bout de cette rue.

— Dans ce cas, fit le docteur Bull, il s’agit d’autre chose. Cette foule se livre peut-être à quelque réjouissance locale ; par exemple, elle célèbre la fête du maire, ou quelque chose dans ce genre. Je ne puis ni ne veux admettre que les habitants de cette honnête ville se promènent avec de la dynamite dans leurs poches. Avançons un peu, Syme, et voyons de plus près.

L’auto fit une centaine de mètres. Tout à coup, le docteur Bull partit d’un grand éclat de rire qui étonna tout le monde.

— Eh bien ! s’écria-t-il, que vous disais-je, sots que vous êtes ? Ces gens-là sont aussi doux et respectueux des lois que des moutons, et s’ils ne l’étaient pas ils seraient de notre bord.

— Qu’en savez-vous ? demanda le professeur, étonné.