Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/212

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— Chauve-souris aveugle ! s’écria Bull. Voyez donc qui les commande !

Ils regardèrent de tous leurs yeux.

— C’est Renard ! s’écria le colonel d’une voix enrouée.

En effet, un groupe d’hommes, ou plutôt d’ombres, formait au bout de la rue une masse indistincte ; mais, détaché de cette masse et éclairé par la lumière du soir, le docteur Renard faisait les cent pas. C’était lui, c’était bien lui, avec sa barbe brune, qu’il caressait, et son chapeau blanc. Mais, dans sa main gauche, il tenait un revolver.

— Fou que j’étais ! dit joyeusement le colonel, ce brave garçon est venu à notre aide !

Bull étouffait de rire. Tout en brandissant l’une des épées du duel, négligemment, comme il eût fait d’une canne, il sauta à terre en criant :

— Docteur Renard, hé ! docteur Renard !

L’instant d’après, Syme crut que ses yeux étaient devenus fous dans sa tête : le philanthropique docteur Renard avait délibérément braqué son revolver et fait feu sur Bull, par deux fois. La double détonation éveillait tous les échos de la rue.

Au flocon de fumée qui s’élevait de la main du docteur Renard, la cigarette du cynique Ratcliff répondit par un mince nuage bleu. Comme ses compagnons, Ratcliff avait pâli, mais il ne cessait de sourire.

Cible vivante, le docteur Bull, dont les balles