Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/214

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Renard. Je l’ai tout de suite soupçonné. C’est un rationaliste, et, circonstance aggravante, il est riche. Si le sentiment du devoir et la foi religieuse doivent un jour disparaître, ce sera par la faute des riches.

— Le devoir et la religion ont dès maintenant disparu, dit Ratcliff en se levant, les mains dans les poches : voici les diables qui s’avancent.

Ils regardèrent tous, avec inquiétude, dans la direction que désignait le regard rêveur de Ratcliff, et virent que tout le régiment massé au bout de la rue marchait sur eux, le docteur Renard en tête, furieux, la barbe au vent.

Le colonel bondit hors de l’auto :

— Messieurs ! cria-t-il, cela n’est pas possible, cela n’est pas ! Ce ne peut être qu’une plaisanterie. Si vous connaissiez Renard comme je le connais !… Autant vaudrait dire que la reine Victoria est un dynamitard ! Si vous aviez dans la tête la moindre idée du caractère de cet homme…

— Dans son chapeau, du moins, Bull a quelque idée de ce précieux caractère, dit Syme sardonique.

— Je vous dis que c’est impossible ! répéta le colonel en frappant du pied. Renard s’expliquera ; il m’expliquera tout, à moi.

Et le colonel fit un pas en avant.

— Ne vous pressez pas tant ! murmura Ratcliff. Il nous aura bientôt tout expliqué, à nous tous à la fois.