Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/215

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Mais le bouillant colonel, sans plus rien écouter, marchait à l’ennemi. Renard, dans l’ardeur du combat, leva de nouveau son revolver. Toutefois, en reconnaissant l’homme qu’il avait devant lui, il hésita, et le colonel l’aborda en faisant des gestes de remontrance.

— Il perd son temps, dit Syme, il n’y a rien à espérer de ce vieux païen. Je serais d’avis de foncer à travers cette foule, bang ! comme les balles ont passé à travers le chapeau de Bull. Nous serions probablement tués, mais du moins nous tuerions en retour, bon nombre de ces enragés.

Pas d’ça, mon vieux ! fit Bull avec l’accent faubourien où sonnait sincèrement sa vertu démocratique. Peut-être ces pauvres gens font-ils erreur. Laissons parlementer le colonel.

— Retournons en arrière, alors, proposa le professeur.

— Non, dit Ratcliff, froidement : la rue est fermée derrière nous aussi. D’ailleurs, il me semble que j’y aperçois un autre de vos amis, Syme.

Syme retourna vivement l’auto et vit un corps irrégulier de cavaliers qui s’approchaient d’eux dans l’ombre. Au-dessus de la selle du cheval de tête, il aperçut le reflet argenté d’un sabre, et bientôt le reflet argenté des cheveux d’un vieillard. Aussitôt, il remit l’auto en marche en sens inverse, à toute vitesse, dans la direction de la mer. Un homme décidé au suicide n’aurait pas agi autrement.