Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/247

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nous jouer des tours ; mais, un matin de printemps, on sent que ses tours sont de bons tours… Je n’ai jamais lu la Bible, quant à moi, mais ce passage dont on s’est tant moqué : « Pourquoi sautez-vous, collines élevées ? » recèle une vérité littérale. Les collines, en effet, sautent. Tout au moins, elles font de visibles efforts pour sauter… Pourquoi j’aime Dimanche ?… Comment vous dire ? Eh bien, parce que c’est un grand sauteur !

Le secrétaire prit à son tour la parole. Sa voix était singulière, singulièrement douloureuse :

— Bull, vous ne connaissez pas du tout Dimanche. Peut-être ne pouvez-vous le connaître, parce que vous êtes meilleur que moi, parce que vous ne connaissez pas l’Enfer. J’ai toujours été d’une humeur sombre et décidée, quelque peu morbide. L’homme de la chambre obscure m’a choisi, moi, parce que j’ai naturellement l’air d’un conspirateur, avec mes yeux tragiques, même quand je souris, et mon rictus. Il doit y avoir en moi, quelque chose de l’anarchiste… Quand je vis Dimanche pour la première fois, ce n’est pas cette sorte de vitalité aérienne dont vous parliez que je remarquai en lui, mais bien plutôt cette grossièreté et cette tristesse qu’il y a dans la nature des choses. Il fumait dans le demi-jour, les persiennes closes, et ce demi-jour était autrement pénible que l’obscurité généreuse où vit notre maître. Dimanche était assis sur un banc : une informe, incolore et vaste masse humaine. Il m’écouta sans m’inter-