Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/251

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de la terre. C’est ainsi qu’existe et n’existe pas, pour moi, la figure de Dimanche : elle se désagrège, elle s’échappe par la droite et par la gauche, comme ces images que le hasard compose, et détruit, dessine et efface. Et c’est ainsi que cette figure me fait douter de toutes les figures. Je ne sais pas si la vôtre, Bull, en est vraiment une, ou si ce n’est pas la perspective qui lui prête une apparence de figure. Peut-être l’un des disques noirs de vos maudites lunettes est-il tout près de moi, et l’autre à cinquante lieues. Les doutes du matérialiste ne sont qu’une plaisanterie. Dimanche m’a enseigné les derniers et les pires de tous les doutes, les doutes du spiritualiste. Il a fait de moi un bouddhiste, à ce qu’il me semble. Et le bouddhisme n’est pas une foi, c’est un doute. Mon pauvre cher Bull, je ne crois décidément pas que vous ayez une figure : je n’ai pas assez de foi pour croire à la matière.

Les regards de Syme étaient toujours fixés sur l’orbe errant qui, rougissant à la lumière du soir, semblait un autre monde, un monde rose, plus innocent que le nôtre.

— Avez-vous remarqué, dit-il, ce qu’il y a de plus singulier dans vos descriptions ? Chacun de vous voit Dimanche à sa manière, qui est toute différente de celle du voisin. Pourtant, tous, vous le comparez à une seule et même chose : à l’univers lui-même. À propos de lui, Bull parle de la terre au printemps ; Gogol, du soleil à midi ; le secrétaire, du protoplasme informe ; Ratcliff, de