Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/254

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— Horrible est un mot faible, dit Syme : ce fut exactement le pire moment de ma vie. Et pourtant, quelques minutes plus tard, quand il sortit la tête de sa voiture et nous fit une grimace de gargouille, je sentis qu’il était comme un père qui joue à cache-cache avec ses enfants.

— Le jeu dure bien longtemps, observa le secrétaire en fronçant les sourcils et en regardant ses chaussures brisées par la marche.

— Écoutez-moi ! s’écria Syme avec une énergie extraordinaire : je vais vous dire le secret du monde ! C’est que nous n’en avons vu que le derrière. Nous voyons tout par-derrière, et tout nous paraît brutal. Ceci n’est pas un arbre mais le dos d’un arbre ; cela n’est pas un nuage, mais le dos d’un nuage ! Ne comprenez-vous pas que tout nous tourne le dos et nous cache un visage ? Si seulement nous pouvions passer de l’autre côté et voir de face !

— Ah ! s’écria Bull, puissamment, le ballon descend !

Il n’était pas besoin de crier pour informer Syme de l’événement : Syme n’avait pas quitté le ballon des yeux. Il vit le vaste globe lumineux s’arrêter soudain dans le ciel, hésiter, puis descendre lentement derrière les arbres, comme un soleil qui se couche.

Gogol, qui n’avait guère ouvert la bouche de tout leur pénible voyage, leva soudain les bras au ciel, comme une âme en peine.