Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/259

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une courbe, sans effort, sans hâte, et il vit une longue maison basse, tel un long et bas nuage du soir, baignée de la douce lumière du couchant.

Dans la suite, les six amis purent échanger leurs impressions. Ils ne furent pas d’accord sur les détails, mais tous convinrent que ce lieu leur avait, pour une raison ou pour une autre, rappelé leur enfance. Cela tenait au sommet de cet ormeau, ou à ce tournant du chemin, à ce bout de jardin pour l’un, et pour l’autre à la forme de cette fenêtre ; mais chacun d’eux déclara qu’il se rappelait plus aisément cet endroit que les traits de sa mère.

Les équipages étaient parvenus à une porte large, basse, voûtée. Un homme portant la livrée des domestiques, mais avec une étoile d’argent sur la poitrine de son habit gris, vint les accueillir. Ce personnage imposant s’adressa à Syme ahuri et lui dit :

— Des rafraîchissements vous attendent dans votre chambre.

Toujours sous l’influence d’une sorte de sommeil magnétique, Syme suivit l’intendant, qui monta un grand escalier de chêne.

Syme pénétra dans un appartement splendide qui paraissait lui avoir été spécialement réservé. Il s’approcha tout de suite d’un grand miroir, avec l’instinct des gens de sa classe, dans le dessein de rectifier le nœud de sa cravate ou de remettre de l’ordre dans sa chevelure. Mais il vit dans ce miroir un visage effrayant, tout saignant des