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CHAPITRE XV

L’ACCUSATEUR

En traversant un corridor, Syme aperçut le secrétaire, au sommet d’une haute rampe d’escalier. Jamais cet homme n’avait eu si noble mine. Il était drapé dans une ample robe d’un noir absolu, comme une nuit sans étoiles, traversée d’une large bande d’un blanc pur, comme d’un unique rayon de lumière. Ce déguisement avait un caractère de grande sévérité monacale.

Syme n’eut pas à faire un trop pénible effort de mémoire ni à consulter la Bible pour se rappeler que le premier des six jours est celui de la création de la lumière, séparée des ténèbres : symbole que ce vêtement imposait à la pensée. Et Syme admira combien ce simple vêtement blanc et noir exprimait avec exactitude l’âme du pâle et austère secrétaire. Cet amour inhumain de la vérité, cette sombre frénésie qui l’animait contre les anarchistes et qui l’eût fait passer pour un anarchiste lui-même ! Syme ne s’étonna pas que, même dans ce lieu d’abondance et de plaisance, les regards de cet homme fussent restés sévères. Il n’était pas de bière ni de jardin dont le parfum pût empêcher le secrétaire de poser une question raisonnable.