Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/264

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Mais s’il avait pu lui-même se voir, Syme aurait constaté que, pour la première fois, il se ressemblait, vraiment, à lui-même et à nul autre. Le secrétaire représentait le philosophe épris de la lumière en soi, originelle et sans forme. En Syme, il fallait reconnaître le poète, qui cherche à donner une forme à la lumière, à en faire des étoiles et des soleils. Le philosophe peut s’éprendre de l’infini ; le poète aimera toujours le fini. Le grand jour, pour lui, ce n’est pas celui où naquit la lumière : c’est le jour où brillèrent le soleil et la lune.

En descendant ensemble le grand escalier, ils rencontrèrent Ratcliff. Il était vêtu tel un chasseur d’un habit vert printanier, illustré d’arbres qui entrelaçaient leurs branches. C’est que Ratcliff était l’homme du troisième jour, celui qui vit la création de la terre et de toutes les choses vertes. Son visage carré, intelligent, où se révélait un aimable cynisme, convenait à ce rôle.

Un autre couloir, bas de plafond et large, les mena dans un grand jardin anglais, tout illuminé de torches et de feux de joie. Là, dans cette lumière brisée et multiple, évoluaient d’innombrables danseurs aux costumes bigarrés, d’une fantaisie folle qui semblait chercher à reproduire toutes les formes de la nature. Il y avait un homme habillé en moulin à vent, avec d’énormes ailes, un autre en éléphant, un autre en ballon, allusions ceux-ci à des épisodes récents. Syme découvrit même