Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/275

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Syme, au Musée, qui le faisait pleurer et crier quand il était enfant. Le visage s’étendit de plus en plus jusqu’à remplir le ciel. Puis, toutes choses s’anéantirent dans la nuit.

Mais, Syme crut entendre, du profond des ténèbres, avant que sa conscience s’y fût abolie tout à fait, une voix lointaine s’élever, qui murmurait cette vieille parole, cet antique lieu commun qu’il avait entendu quelque part :

Pouvez-vous boire à la coupe où je bois ?

D’ordinaire, dans les romans, quand un homme se réveille, après un rêve, il se retrouve dans un lieu où, vraisemblablement, il a pu s’endormir : c’est un fauteuil, où il bâille, ou quelque champ, d’où il se lève moulu et fourbu. Le cas de Syme fut, psychologiquement, bien plus étrange, si tant est toutefois qu’il y eût rien d’irréel, terrestrement, dans son aventure. En effet, il se rappela bien, dans la suite, qu’il s’était évanoui devant le visage de Dimanche emplissant le ciel ; mais il lui fut impossible de se rappeler comment il avait repris ses sens.

C’est tout juste s’il se rendit compte, peu à peu, qu’il était à la campagne où il venait de faire une promenade avec un aimable et communicatif compagnon. Celui-ci avait eu un rôle dans le rêve de Syme : c’était Gregory, le poète aux cheveux fauves. Ils allaient, comme de vieux amis, et étaient engagés dans une conversation sur quelque sujet de peu d’importance.