Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/46

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qui se trouvât dans l’assistance, se leva péniblement et dit :

— Je propose que le camarade Gregory soit élu comme Jeudi.

Et péniblement il se rassit.

— Y a-t-il quelqu’un pour appuyer cet avis ? demanda le Président.

Un petit homme à barbiche pointue déclara qu’il partageait l’avis du préopinant.

— Avant de soumettre cette proposition au vote, je prierai le camarade Gregory de faire sa profession de foi, dit le Président.

Gregory se dressa au milieu d’un grand tapage d’applaudissements. Son visage était si mortellement pâle que, par contraste, le rouge de ses cheveux paraissait écarlate. Mais il souriait avec aisance. Il avait pris son parti, et la conduite qu’il avait à suivre était devant lui comme une route blanche. Le mieux n’était-il pas, en effet, de prononcer un discours ambigu et doucereux ? Le détective en garderait l’impression que la fraternité anarchiste, somme toute, ne constituait pas pour la société un réel danger. Gregory avait confiance en son habileté professionnelle de littérateur. Il saurait suggérer de fines nuances et choisir les mots. Il saurait, en s’y prenant bien, donner à l’intrus une idée subtilement fausse de l’Institution. Syme avait dit que les anarchistes, malgré leurs airs de bravi, n’étaient que des sots ou des plaisantins : à l’heure du danger, Gregory allait