Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

destes : voyez-moi ! Nous sommes pleins d’indulgence et de bonté…

— Non ! non ! criait Witherspoon.

— Je dis que nous pardonnons à nos ennemis, poursuivit Gregory furieux, tout comme les premiers chrétiens. Cela n’empêchait pas qu’on les accusât de manger de la chair humaine. Nous ne mangeons pas de la chair humaine…

— Ô honte ! interrompit Witherspoon. Pourquoi pas ?

— Le camarade Witherspoon, dit Gregory avec une gaîté forcée, voudrait savoir pourquoi nous ne mangeons pas de chair humaine ! (On rit.) Dans notre société du moins où il est aimé, dans notre société qui est fondée sur l’amour…

— Non ! hurla Witherspoon, à bas l’amour !

— Sur l’amour, répéta Gregory en grinçant des dents, il ne saurait y avoir de controverses ni de dissentiments sur les fins que nous devons collectivement poursuivre et que je poursuivrais s’il m’était donné de représenter notre corps. Superbement indifférents aux calomnies qui font de nous des assassins, des ennemis du genre humain, nous poursuivrons courageusement notre œuvre de fraternité en exerçant sur nos contemporains une pression légale et purement intellectuelle.

Gregory reprit sa place en s’épongeant le front. Tout le monde se taisait. Il s’était fait un silence gêné.

Le Président se leva comme un automate et dit, d’une voix blanche :