Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/74

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dirigeaient l’embarcation, elle n’avançait que lentement. Le clair de lune qui avait brillé à Chiswick s’éteignit à Battersea, et, quand on arriva sous la masse énorme de Westminster, le jour commençait à poindre. De grandes barres de plomb apparurent dans le ciel, puis s’effacèrent sous des barres d’argent qui prirent bientôt l’éclat du métal chauffé à blanc. L’embarcation, changeant de cours, se dirigea vers un grand escalier, un peu au-delà de Charing Cross.

Les grandes pierres du quai apparurent, gigantesques et sombres, opposant leur masse noire à la blanche aurore. Syme crut aborder aux marches colossales de quelque palais d’Égypte. L’idée lui plut. Ne pensait-il pas, en effet, monter à l’assaut des trônes massifs où siégeaient d’horribles rois païens ! Il sauta à terre et se tint un instant immobile sur la dalle humide et glissante, sombre et fragile figure perdue dans cet immense amas de pierres de taille.

Les deux hommes firent reculer le bateau et commencèrent à remonter le fleuve. Pendant toute la durée du voyage, ils n’avaient pas prononcé une parole.