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Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/93

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l’anéantir, s’il restait là, seul, parmi ces misérables. Sans doute, sur une place publique une telle exécution eût pu paraître impossible. Mais Dimanche n’était pas homme à montrer tant d’aisance sans avoir, quelque part et de quelque manière, préparé son piège. Poison anonyme ou brusque accident, fortuit en apparence, hypnotisme, feu infernal : peu importait comment, mais certainement Dimanche pouvait le frapper. Que Syme osât défier cet homme, et Syme était condamné — atteint de paralysie sur son siège ou mourant longtemps après de quelque maladie mystérieuse. En appelant sur-le-champ la police, en faisant arrêter tout le monde, en racontant tout, en suscitant contre ces monstres toute l’énergie de l’Angleterre, peut-être eût-il échappé. Mais son salut n’exigeait certainement pas moins. Il y avait là, sur un balcon, au-dessus d’un square passager, quelques gentlemen, parmi lesquels Syme ne se sentait pas plus en sécurité qu’il ne l’eût été, au milieu de la mer déserte, dans une chaloupe pleine de pirates armés.

Et il n’eut pas davantage l’idée qu’il pourrait être gagné à l’ennemi. Beaucoup d’autres, en ce temps, habitués à honorer de toute leur faiblesse l’intelligence et la force, auraient pu hésiter dans leur loyauté, céder au prestige oppressif de la puissante personnalité de Dimanche. Ils auraient salué en lui le Surhomme. Et, en effet, si le Surhomme est concevable, Dimanche lui ressemblait beaucoup, avec son énergie capable d’ébranler la terre dans