Page:Chesterton - Le Nommé Jeudi, trad. Florence, 1911.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Chacun sait, dit-il, chacun sait, au fond de son cœur, que rien ne vaut aucun effort.

Il se fit un étrange silence, puis :

— Nous nous écartons de la question, observa le secrétaire. La question est celle de savoir comment Mercredi frappera son coup. Il me semble que nous devons nous en tenir à l’idée première : la bombe. Quant aux détails, je suis d’avis que, dès demain matin, notre camarade s’embarque pour…

Le secrétaire s’interrompit brusquement : une ombre vaste venait de s’allonger sur la table.

Le Président Dimanche s’était levé, et il n’y avait plus de ciel au-dessus du balcon.

— Avant d’en venir à discuter ce point, dit-il d’une voix étrangement flûtée, je vous prie de m’accompagner dans un cabinet particulier. J’ai une communication très spéciale à vous faire.

Syme fut le premier debout. Le moment de choisir était venu ; le pistolet était sur sa tempe. En bas, le policeman se promenait paresseusement tout en tapant de la semelle, car la matinée était belle, mais froide.

Soudain, dans la rue voisine, un orgue de Barbarie attaqua une ritournelle. Syme se redressa fièrement, comme s’il eût entendu le clairon sonner la bataille. Il sentit affluer en lui, il ne savait d’où, un courage surnaturel. Il y avait pour lui, dans cette humble mélodie, toute la vivacité, toute la vulgarité aussi, et toute l’irrationnelle vertu des pauvres qui, par les rues souillées de Londres,