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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/126

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porte se redressa et jeta autour de lui des regards farouches, sa crinière fauve plus agressive que jamais. Ses premiers mots, des jurons en langue continentale, auraient pu passer pour des cris inarticulés ; mais les deux hommes de science qui l’écoutaient reconnurent bientôt quelques termes du langage scientifique, au milieu d’un vocabulaire tout différent. En fait, le médecin légiste faisait son rapport officiel, mais on ne pouvait s’en douter.

La situation était vraiment pénible pour lui, et les gens sérieux ne sauraient excuser le tour pendable dont il avait été la victime — tout au plus en goûter la saveur in petto. Au moment même où il devait entrer dans le cabinet du magistrat pour lui faire son rapport et où Hendry devait être enfermé dans le salon d’attente pour en attendre le résultat, Murrel, sans scrupule, avait rapidement interverti la situation des deux hommes de science. Le fonctionnaire pris au piège s’était comporté comme le font les gens sanguins et présomptueux quand il leur arrive quelque chose qu’ils n’auraient jamais cru possible. Car l’homme qui a toujours eu la vie facile, qui est content de lui, que rien n’a jamais détourné de sa route, bute avec fracas contre le premier obstacle.

L’histoire du pauvre Hendry était exactement le contraire. Il se cramponnait à ses bonnes manières comme au dernier vestige de sa situation sociale ; il avait l’habitude d’expliquer élégamment les choses à ses créanciers, et d’affecter un ton cultivé pour s’adresser aux policemen. En conséquence, pendant que le médecin légiste suffoquait, reniflait et jurait d’une manière inintelligible, l’aliéné légal se tenait, la tête gracieusement inclinée, émettant au fond de sa gorge de doux gloussements pour manifester sa