Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/44

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debout dans ce salon. Son dos voûté, ses sourcils froncés, lui donnaient un aspect maussade. Il n’était pas laid, mais il était gauche ; par dessus tout, il avait l’air hostile, et il s’en rendait compte. Il faut leur rendre justice, les autres invités lui montraient de la sympathie et une amabilité quelquefois un peu lourde. Il y avait là un grand monsieur chauve et bienveillant qui était particulièrement cordial ; et jamais si cordial, on pourrait dire si bruyant, que lorsqu’il était confidentiel :

— Ce qu’il nous faut, disait-il, frottant doucement ses deux mains l’une contre l’autre, ce qu’il nous faut pour la paix sociale, c’est l’instruction professionnelle. N’écoutez pas les réactionnaires, ne croyez pas ceux qui disent que l’éducation populaire est une erreur. Évidemment, il faut donner aux masses de l’éducation, mais avant tout, l’éducation économique. Si nous parvenons à faire entrer dans la tête des ouvriers quelques notions d’Économie Politique, nous n’entendrons plus parler de ces contestations qui font fuir l’industrie et menacent de mettre le couteau sous la gorge du consommateur. Je ne dis pas cela dans l’intérêt d’un parti, j’affirme que c’est un intérêt au-dessus de tous les partis.

— Et si je dis, répondit Braintree, que nous voulons étendre la demande effective, n’est-ce pas aussi un intérêt au-dessus des partis ?

Le gros homme le regarda vivement, et presque à la dérobée. Puis il dit :

— Tout à fait, oh ! tout à fait.

Il y eut un silence, puis quelques remarques banales sur la pluie et le beau temps, et Braintree s’aperçut que le gros homme s’était doucement éloigné de lui, nageant vers d’autres mers comme un léviathan silencieux. La première étape de M. Braintree