Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/63

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ger la sobriété. Là, il mangea des sandwiches épais et but du café clair, discutant toujours avec son prochain sur les chevaux et les événements sportifs. L’aube apparaissait sur les collines et caressait le sommet des cheminées d’usines, quand John Braintree se retourna soudain vers son ami et lui parla d’un ton qui commandait l’attention :

— Douglas, lui dit-il, inutile de pousser votre allégorie plus loin. Je sais depuis longtemps que vous êtes un garçon intelligent et je commence à comprendre comment les vôtres s’y sont pris pour manier pendant si longtemps une nation tout entière, mais je ne suis pas non plus tout à fait un imbécile. Je sais ce que vous voulez me faire entendre. Vous ne l’avez pas exprimé directement, mais vous me l’avez crié par dix mille bouches cette nuit. Vous m’avez dit : « John Braintree, vous pouvez fort bien vous entendre avec les nobles, c’est avec le peuple que vous ne pourrez pas vous entendre. Vous avez passé une heure au salon et causé facilement littérature et musique ; maintenant que vous avez passé une nuit dans les quartiers pauvres, répondez, lequel de nous deux connaît le mieux le peuple ? »

Murrel garda le silence. Après un moment l’autre reprit :

— C’est le meilleur aveu que vous ayez pu faire, et je vous ferai grâce d’une nouvelle discussion. Je pourrais vous dire que ces choses nous répugnent plus qu’à vous, parce que vous pouvez vous en jouer, tandis que nous avons eu à les combattre, mais j’aime mieux vous prouver que je vous comprends et que je ne vous en veux pas.

— Je le sais, répondit Murrel ; notre ami du cabaret ne choisit pas ses termes avec beaucoup de tact, mais au fond, il avait raison en disant que vous