Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vons déjà dit), ce matin-là elle était un peu plus agitée que d’habitude. Après avoir travaillé environ dix minutes, elle se leva et regarda distraitement dans le jardin. Puis elle sortit, presque comme une automate, le pinceau toujours à la main. Elle resta un instant à contempler le grand fragment gothique, à l’ombre duquel Murrel et elle avaient discuté le terrible problème de John Braintree. Puis elle passa en revue les portes et les fenêtres de l’autre aile du château, et vit que le bibliothécaire était debout dans l’embrasure de la bibliothèque avec Douglas Murrel à côté de lui.

Cette vue ramena Olive vers le monde réel. Ce fut comme si elle prenait subitement une résolution, ou si elle prenait conscience d’une résolution déjà prise. Elle marcha un peu plus vite, changea de direction, et quand elle atteignit la bibliothèque, sans tenir compte de l’accueil surpris de Murrel, elle dit au bibliothécaire avec un sérieux admirable :

M. Herne, vous seriez bien aimable de me laisser regarder un livre dans la bibliothèque.

M. Herne sursauta, comme tiré d’une extase, et dit :

— Excusez-moi…

— L’autre jour, reprit Olive Ashley, je regardais un livre sur les rayons, un livre d’enluminures sur saint Louis, je crois ; il contenait un rouge merveilleux, un rouge éclatant comme du métal incandescent, et cependant aussi délicat de teinte qu’un espace clair dans un coucher de soleil. Maintenant, je ne peux plus me procurer nulle part une couleur comme celle-là.

— Oh, je n’en crois rien, dit Murrel nonchalant, je vous réponds qu’on peut se procurer n’importe quoi, de nos jours, si on sait le chercher.