Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/8

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l’autre ne savait peindre, et ils n’y prétendaient pas ; mais elle essayait tout au moins de le faire, et lui pas.

C’était une jeune fille petite et mince, aux traits délicats et réguliers ; sa robe vert foncé, d’un goût raffiné sans rien de bohème, s’appareillait aux petites difficultés de sa tâche. Quoiqu’elle fût très jeune, il y avait un rien de suranné dans ses mouvements. Dans cette pièce encombrée de papiers, de torchons, et des flamboyants fiascos de l’art de M. Murrel, sa boîte à couleurs plate, avec ses compartiments et ses menus accessoires, était placée auprès d’elle avec un soin méticuleux. Elle n’était pas de ceux auxquels s’adresse l’avis que l’on joint aux boîtes de couleurs : il n’avait jamais été nécessaire de l’adjurer de ne pas mettre le pinceau dans sa bouche.

— Ce que je veux dire, dit-elle en reprenant leur conversation, c’est que toute votre science et votre bourrage modernes ont seulement rendu les choses laides et les gens aussi. Voilà pourquoi j’aime les vieilles peintures et les constructions gothiques ; dans le gothique toutes les lignes montent, jusqu’à la flèche qui indique le ciel.

— C’est nous faire injure, dit Murrel, et je pense qu’ils auraient pu nous laisser découvrir le ciel à nous tout seuls.

— Vous entendez ce que je veux dire, répliqua la jeune fille sans cesser de peindre placidement. Toute l’originalité de ces gens du Moyen-Âge est dans leur manière de bâtir les églises. Les ogives pointues les caractérisent.

— Et les épieux pointus ! approuva-t-il. Quand vous les fâchiez, ils vous transperçaient, tout simplement. Trop de pointes pour mon goût.

— Du moins alors les gentilshommes s’embro-