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Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/9

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chaient l’un l’autre avec leurs lances, ils n’allaient pas s’asseoir sur des sièges de peluche pour voir un Irlandais boxer un Noir. Je ne voudrais pour rien au monde assister à un match moderne, mais je n’aurais pas demandé mieux que d’être une dame à l’un de ces anciens tournois.

— Vous seriez une dame, mais moi je ne serais pas un seigneur, dit le décorateur d’un air sombre. Toujours ma guigne ! Si je devenais roi, ce serait pour me noyer dans un tonneau de Malvoisie, et je perdrais pour toujours le sourire. Mais mon sort serait plutôt de naître serf, ou lépreux. Oui, je vois cela d’ici : à la minute où j’aurais fourré mon nez dans le XIIIe siècle, je serais nommé lépreux en chef du roi, et j’assisterais à l’office en louchant au travers d’une petite lucarne.

— Pour le moment, vous ne louchez dans l’église à travers aucune lucarne, observa la jeune fille, et il ne vous est même pas venu à l’idée d’aller y voir par la porte.

— Oh ! je vous l’accorde, dit-il, et il continua à badigeonner en silence. Il consacrait ses soins à un modeste intérieur : la Salle du Trône de Richard Cœur de Lion, qu’il exécutait dans une gamme écarlate, rouge et pourpre, que Miss Ashley s’efforçait en vain d’atténuer. Elle aurait eu cependant le droit de donner son avis, ayant choisi le sujet moyenâgeux, et même écrit la pièce, dans la mesure où ses collaborateurs plus remuants le lui avaient permis. Tout roulait sur Blondel le Troubadour ; il chantait des sérénades à Richard Cœur de Lion et à beaucoup d’autres personnes, y compris la fille de la maison, qui raffolait de théâtre.

L’Hon. Douglas Murrel, dit « le Singe », prenait gaiement ses insuccès en peinture de décors, ayant