Page:Chesterton - Le Retour de Don Quichotte.djvu/81

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sans influence sur leur avenir. Olive Ashley persistait à manier ses pinceaux et les missels enluminés de la bibliothèque, et Michaël Herne continuait à dévorer, volume par volume, l’histoire, la philosophie, la théologie, la morale et l’économie des quatre siècles du Moyen-Âge, dans l’espoir de se rendre apte à prononcer les quinze lignes de vers blancs alloués par Miss Ashley au Second Troubadour.

Il n’est que juste d’ajouter qu’Archer était aussi laborieux à sa façon que Herne à la sienne. Comme ils étaient les deux troubadours, il leur arrivait souvent d’étudier côte à côte.

— Il me semble, dit un jour Julian Archer, en rejetant le manuscrit avec lequel il venait de se rafraîchir la mémoire, que pour un amoureux ce gaillard de Blondel est un peu transi. Si c’était moi, j’y mettrais un peu plus de passion.

— Il y avait certainement quelque chose d’abstrait et d’artificiel dans toute cette étiquette provençale, approuva le Second Troubadour. Les cours d’amour semblent avoir été pédantesques, presque chicanières. Quelquefois il était même indifférent que l’amoureux eût vu ou non sa Dame, comme dans le cas de Rudel et de la Princesse de Tripoli. D’autres fois il suffisait d’un salut de cour à la femme de votre Seigneur-lige, pour déclarer une adoration ouverte et admise. Mais je suppose qu’il y avait souvent aussi de vraies passions.

— Il y en a diablement peu dans Miss Ashley et son Troubadour, dit l’amateur désappointé. Rien que de l’amour platonique et autres sornettes. Je crois qu’il n’avait aucun désir de se marier.

— Vous le croyez atteint par les doctrines albigeoises ? demanda le bibliothécaire sérieusement, presque anxieusement. Il est exact que le siège de