Page:Chevalier - L'Economie politique et le socialisme, 1849.djvu/12

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faut s’en prendre de tout ce dont on l’accuse. Procédons à cet examen tranquillement, sans acception de personnes, en nous plaçant au-dessus des passions politiques, qu’on doit toujours laisser à la porte des enceintes consacrées à la science.

Ce qui a servi de prétexte à l’accusation intentée contre l’économie politique de favoriser l’égoïsme, c’est qu’elle reconnaît l’intérêt personnel pour le principal mobile de l’industrie humaine, et qu’elle approuve qu’on mette ce ressort en jeu par l’énergique moyen de la concurrence. L’intérêt personnel, dit-on, est l’égoïsme même, et les excès auxquels la concurrence donne lieu peuvent être qualifiés de saturnales de l’égoïsme.

Que penseriez-vous, messieurs, d’une personne qui reprocherait aux astronomes de baser leurs calculs sur la loi de l’attraction universelle découverte par Newton, ou qui s’élèverait contre les constructeurs de machines à vapeur, parce que leur point de départ est cette proposition, que l’eau vaporisée a une grande force d’expansion ? Vous jugeriez, n’est-il pas vrai, que la réprimande est fort malavisée. Ceux qui, de nos jours, font un crime à l’économie politique du rôle qu’elle accorde, dans ses raisonnements, à l’intérêt personnel, tombent dans une méprise à peu près semblable. Il est aussi impossible de concevoir la production de la richesse sans l’action permanente et intense de l’intérêt personnel que le mécanisme planétaire sans la gravitation, ou que la machine de Watt et de Stephenson sans la force élastique des liquides vaporisés. L’homme est porté à produire la richesse par la force des appétits et des besoins qu’il ressent dans sa fibre même. Ce sont ses propres sensations individuelles, ou celles des personnes dont la vie est étroitement liée à la sienne, et dont il est le protecteur naturel, qui le provoquent au travail dont la richesse, ou l’aisance, ou le simple maintien de l’existence est le fruit.