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N’ai-je pas eu, il n’y a qu’un instant, affaire avec l’un d’eux ? N’est-ce pas moi qui lui ai donné sa dernière maladie, moi qui ai causé sa débâcle finale ?

— Si tu es averti du danger, pourquoi restes-tu aussi tranquillement ici ? pourquoi ne te sauves-tu pas ?

— Me sauver, mon patriarche ! où nous sauverions-nous ? à travers les haches et les couteaux à scalper des sales Pieds-noirs ?

— Glisse-toi inaperçu au milieu d’eux, comme David s’est glissé dans le camp du roi Saül.

— David n’a jamais rien eu à faire avec des sournois de sauvages ! répliqua le Corbeau. Sortir ! mais ce serait conduire cette jeune beauté dans une embûche, car la nuit est plus noire que l’encre, et les Hottentots rouges sont tapis dans l’herbe, les buissons et derrière les arbres, ajouta-t-il avec chaleur.

— Ils ont un blanc à leur tête, dit Hammet.

— Le renégat blanc. Je voudrais bien lancer, dans son oreille, une note mortelle ! exclama le Corbeau.

Le cœur de Sylveen battit avec force : ses craintes renaquirent.

— Cet homme de Bélial a, dit Hammet, sous son contrôle, une troupe de vagabonds appartenant à la Compagnie du Nord-ouest. Ils sont peu scrupuleux et ont juré une haine profonde aux partisans de la Compagnie de la baie d’Hudson.

— Dites-moi, si vous pouvez, le sort de notre brave brigade, intervint Sylveen.

— Jeune femme, j’ai assisté au combat ; le sang a coulé par torrents. En vérité, ç’a été un triste spectacle.

— Serpents à sonnettes ! est-ce que vous n’avez pas pris part à l’escarmouche ? s’enquit Tom, en regardant le quaker avec curiosité.

— Ma religion me défend de frapper avec l’épée ; quoique, pressé par les gentils, j’aie peut-être déployé plus de force qu’il n’en fallait pour les abattre. O-h, a-h !

— Ne me rendez pas enragé, étranger ; sinon je vous plante mes griffes dans les chairs. Celui qui ne veut pas tuer les Indiens, quand ils l’attaquent, mérite d’être scalpé vif ! s’écria Tom.

— En vérité, je ne sais ce qui est arrivé à tes amis, reprit le quaker, s’adressant à Sylveen. Te voyant fuir, poursuivie par les Philistins, je les ai suivis pour les empêcher de verser ton sang innocent ; et en vérité, il m’a été bien difficile de les détourner de leur dessein meur-