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n’est-ce pas ? Ah ! nous rembourserons ces gredins de Peaux-rouges. Mais je ne vois pas les chevaux. De vrais animaux de trappeurs, élevés comme ils l’ont été, reviennent généralement au camp le matin.

— Je vais aller les chercher, dit Kenneth. Ils ont probablement trouvé de meilleurs pâturages un peu plus loin. Allons, Calamité ! je ne te tiendrai pas davantage captif. En avant !

Il lâcha le chien qui partit comme une flèche.

— Suivez-le, dit Vander à Iverson.

Le jeune homme rejoignit bien vite Calamité qui s’était arrêté sur une pelouse, près du lac, et flairait et aboyait tour à tour. En y arrivant, Kenneth remarqua sur le sol humide l’empreinte d’un pied humain. Cette découverte le contraria autant qu’elle l’étonna. Un ennemi s’était-il approché si près d’eux durant la nuit ? Et qu’étaient devenus les chevaux ? Il ne paraissait pas que cette dernière question fût facile à résoudre. Les animaux ne se montraient nulle part ; il était assez vraisemblable qu’on les avait volés. À travers le plateau, des traces de mocassin se reproduisaient mêlées à des traces de sabots de chevaux. Elles indiquaient encore que le voleur avait enfourché un cheval en montant sur un tronc d’arbre. La chose était évidente. Kenneth, restait, avec son compagnon blessé, sans moyens pour voyager. Calamité, après s’être assuré du fait, s’était tranquillement assis et étudiait les traits de son maître actuel, avec une fixité qui prouvait combien il s’intéressait à ce qui venait d’arriver.

— Partis ! murmura Iverson. Courir à pied après le voleur serait vraiment folie. Il faut que je retourne porter cette décourageante nouvelle à Saül Vander.

Le chien semblait être d’un avis contraire. Mais Kenneth s’en tint à son idée et revint vers le guide qui apprit la perte avec le flegme d’un franc trappeur.

— Ce n’est pas la première fois, dit-il, que le sort m’a servi de cette façon. On m’a dérobé ainsi plus d’un beau cheval. Mais ça ne guérit pas notre mal. Nous sommes dans une mauvaise passe, vous comprenez. Les vermines se sont emparé de nos animaux, il ne leur manque plus maintenant que nos chevelures. Dans l’état où je suis, il n’en coûterait pas beaucoup pour prendre la mienne ; quoique, pourtant, je me sente bien mieux que la nuit dernière. Tiens,