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rait pu cacher une armée dans les nombreuses dépressions, vallées et accidents de terrain qui formaient cette partie de la bordure du lac. Las de chercher sans succès, Iverson se disposait à tourner son attention d’un autre côté, quand il distingua un objet particulier au sommet d’un monticule, à cent mètres de distance. Kenneth avait de bons yeux, et savait parfaitement s’en servir dans l’occasion. Il examina vivement, mais prudemment, et en s’effaçant derrière un pin, cet objet qui se mouvait de bas en haut et ne tarda pas à présenter le visage cuivré et la chevelure ramassée en une mèche longue et droite d’un Indien.

La surprise n’était rien moins qu’agréable. Kenneth continua d’observer le sauvage, en s’attendant, à chaque instant, à voir déboucher une foule de ses frères. Il était dans l’erreur. La tête disparut pendant plusieurs minutes et notre aventurier se demandait ce qu’il avait à faire, quand la même face se remontra au faîte de l’éminence. Presque aussitôt deux chevaux se dressèrent à côté de l’Indien. Kenneth se sentit soulagé. C’était Tom Slocomb accompagné des animaux pour lesquels il s’était si fort exposé. Iverson ressentit l’impulsion qui nous pousse quelquefois à agiter notre coiffure en l’air et à traduire nos émotions par des cris de joie. Il s’abstint cependant de cette démonstration qui pouvait le compromettre et se contenta de placer sa casquette à l’extrémité de la baguette de sa carabine pour signaler sa présence à Tom.

Bientôt ce dernier l’eut rejoint. Nous renonçons à peindre la joie de Kenneth.

— J’étais sur le point de désespérer, dit-il. Qu’est-il arrivé ? qu’est-ce qui vous a retenu ?

— Une masse d’affaires, monsieur ; une masse d’affaires. J’ai assez heureusement réussi à tirer les chevaux hors de l’île, mais, après cela, j’ai eu delà misère à me débarrasser des Peaux-rouges. J’étais déterminé à avoir les selles, et quoi donc ! — le Corbeau montra les chevaux d’un air triomphateur, — on les a…

— Vous avez eu tort de vous risquer ainsi.

— Le danger, bast ! c’est l’assaisonnement de ma vie. Mais les Indiens étaient fièrement nombreux !

— Que faisaient-ils donc ? demanda Iverson.

— Tandis que je prenais les selles, ils scrutaient le lieu où vous aviez construit votre radeau. Ils nous poursuivent sur le lac à