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présent. Traînons-nous jusqu’au bord de l’eau et voyons où ils on sont.

Laissant les chevaux et écartant, avec précaution, les buissons, ils se glissèrent sur la berge du lac et allongèrent leurs regards vers l’île.

— Là ! que vous disais-je ? exclama immédiatement Tom. Tournez un peu les yeux à gauche, monsieur.

Kenneth se conforma à l’avis, et aperçut un grand radeau qui voguait vers l’île avec huit ou dix Indiens.

— Ils cherchent l’endroit où vous avez débarqué ou même à voir si vous avez touché à l’île. Je parie qu’ils vous soupçonnent d’y être caché. Mais il ne serait pas bon de rester ici à les épier. Nous aurons assez à faire pour échapper à leurs griffes et je serais tout peiné qu’ils nous prissent, à cause de cette aimable petite créature du bon Dieu que nous avons recueillie ce matin.

— Je partage vos sentiments. Saül Vander et elle nous attendent avec une vive impatience, j’en suis sûr. Pressons-nous.

Kenneth et Tom se hâtèrent de se rendre vers ceux qu’ils avaient laissés dans une horrible incertitude. Leur venue fut saluée avec un contentement d’autant plus complet que les yeux vigilants de Saül avaient déjà découvert le radeau et sa terrible cargaison.

— Ça me fait du bien de vous voir, garçon, dit-il ; moins pour moi, vous comprenez, que pour cette enfant. J’ai causé avec elle, depuis votre départ. Son nom est Florella. Appelez-la ainsi et elle vous répondra. Que devons-nous faire ?

— Si cette question s’adresse à moi, j’y répondrai par points et virgules, repartit le Corbeau avec plus d’exactitude qu’à l’ordinaire.

— Arrivons au fait, dit le guide. Jusqu’ici vous avez fait preuve d’adresse ; j’aime à le reconnaître. Vous êtes un vieux routier, farci de curieuses idées blanches et rouges ; mais étranges ou non, ça ne m’empêche pas de donner au diable ce qui lui appartient.

— C’est juste. Je conviens que l’on doit me complimenter. Et pour montrer que j’apprécie l’avantage d’être apprécié, j’irai jusqu’au bout de cette épineuse affaire. Vous monterez un des chevaux ; cette fille montera l’autre et nous ferons route jusqu’au fort le plus proche. Il n’y a pas plus d’un jour de marche d’ici là, mais une fois arrivée, elle sera en sûreté.