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delait ses mouvements sur ceux de son guide, qui tantôt tournait d’un côté, tantôt d’un autre, et tantôt rebroussait chemin comme pour revenir au lieu du départ. Cependant l’espérance rallumait insensiblement son flambeau dans le cœur de la jeune fille. Elle commença à avoir foi dans la sagacité de son protecteu.

Mais tout à coup Le Loup s’arrêta. Une barrière de roche solide se dressait devant eux.

— Nous sommes loin du lac, maintenant, dit Sylveen. Ce souterrain doit avoir plus d’un débouché. On me cherchera sans nul doute. Trouve une place pour nous cacher.

Le Loup poussa un cri de joie. Il venait de découvrir une fente, dérobée à première vue par une saillie en retour. La nature avait si ingénieusement dissimulé l’ouverture que Sylveen ne l’aperçut qu’en touchant la muraille qui la recouvrait en partie. Mais cette ouverture était étroite. Notre héroïne eut quelque peine à s’y introduire à la suite de Le Loup.

— Merci, mon Dieu ! s’écria-t-elle. Quelle retraite dans le cas où on nous poursuivrait ! Silence ! Qu’est-ce ?

— Des voix, dit Le Loup.

Sylveen commença à trembler. L’Indien la rassura à sa manière. Ils poursuivirent leur fuite à travers le boyau qui, après s’être évasé pendant une centaine de pieds, se rétrécissait de plus en plus. On entendait distinctement les voix qui avaient alarmé Sylveen. Elle ne put d’abord s’expliquer cela ; mais bientôt découvrit que le couloir les avait ramenés en ligne parallèle le long d’un autre passage duquel ils n’étaient séparés que par une mince cloison de basalte fendillé çà et là.

Le Loup posa la lampe à terre et lui ordonna de se tenir immobile. Ayant attendu quelques minutes, elle entendit et reconnut les voix de Mark Morrow et de Chris Carrier. Elle pâlit et regarda anxieusement l’adolescent qui souriait fièrement et jouait avec la poignée de ses armes. Ce calme et ce courage ranimèrent sa confiance. Elle appuya son oreille contre la cloison et écouta. Mark gourmandait son subordonné. Sylveen saisit les lambeaux de conversation suivants :

— Tu fais les choses à moitié, Chris. Tu as beaucoup osé et rien achevé. Dans l’affaire de la rivière Severn, tu t’es fait enfoncer. Cet individu n’aurait jamais dû arriver au lac Ouinipeg.