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— Tu ne peux me comprendre. Ta nature et la mienne sont tellement dissemblables que ce serait perdre du temps que de causer avec toi.

— Lever-du-soleil, où est votre courage ? demanda Le Loup d’un ton un peu méprisant. Je vous croyais plus forte que ne le sont d’ordinaire les filles aux pâles visages. Mais vous êtes timide, vous pleurez, vous tremblez, vous défaillez. Pourquoi cela ? Où est cette bravoure dont vous vous vantiez ? où est cette vigueur qui devait vous soutenir pendant le voyage jusqu’aux territoires de chasse ? Ah ! ce n’est plus vous.

— Qu’est-ce que cela signifie ? riposta aigrement Sylveen. Pourquoi ces reproches au milieu de mon infortune ? m’offres-tu l’espoir ? peux-tu parler de sortir de cette sombre et détestable prison ?

— Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Le lâche et l’insensé seuls désespèrent. Venez ! Entrons dans l’un de ces passages. Peut-être nous mènera-t-il en plein air.

— Maintenant que tu tiens le langage de la raison, je sécherai ces larmes et surmonterai mes appréhensions, répondit Sylveen.

— Bien dit. Vous parlez comme la fille d’un vaillant chef. Suivez Le Loup. Il tentera de se frayer une voie.

— Marche, brave enfant. Je t’obéirai. Mais si nous étions poursuivis, découverts…

L’Indien s’arrêta, jeta à sa maîtresse un regard intelligent, et tira de dessous son accoutrement féminin un long couteau étincelant, avec une poignée montée en argent, le cadeau de Mark Morrow. La fille du guide fixa ses yeux sur la lame et une ombre de méfiance traversa son visage.

— Le Loup, dit-elle, je doute de toi. Cette arme a été faite pour d’autres mains que les tiennes.

— N’importe ! Je vous serai fidèle.

Replaçant le couteau, il laissa voir, par mégarde ou intention, les crosses d’une paire de pistolets. Et immédiatement, il s’enfonça dans un des multiples couloirs qui aboutissaient à cette sorte de rond-point. Sylveen le suivit comme une personne à moitié éveillée. La galerie était humide, les parois suintaient. Parfois il était nécessaire de se courber afin de ne pas se heurter la tête contre des projections de la roche ; parfois il fallait gravir des amas de pierres tombées de la voûte et parfois marcher sur un sol gras et visqueux. Sylveen mo-