Aller au contenu

Page:Chevalier - Les Pieds-Noirs, 1864.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XXXIV

Le marchand de whiskey


Les Indiens, qui s’étaient levés si soudainement à ce son suspect, se rassirent et parurent bientôt avoir oublié la cause de leur alarme. Ils reprirent la discussion au point où ils l’avaient laissée, et avec plus d’aigreur que jamais,

— Bon Dieu ! ils parlent de brûler la jeune fille, exclama Goliath. Voilà qui devient sérieux. Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux que l’un d’eux l’épousât que de la brûler ? J’estime que ça sera une dépense inutile de bois. Mais qu’est-ce qu’ils disent maintenant ? Ils s’occupent de moi. Qu’y a-t-il ? Me brûler, aussi ! Dieu de Dieu ! le whiskey leur a mis le diable en tête. Ah ! si j’étais resté chez nous, avec Perscilla Jane ! Le Seigneur sait pourtant que je n’aurais guère été beaucoup mieux, car elle a une maudite langue, terriblement insupportable. Plutôt cependant l’entendre se plaindre et larmoyer, crier et tempêter du matin au soir, que d’être brûlé ; car le feu rôtit affreusement les chairs.

Goliath s’arrêta le temps de reprendre haleine, et continua, en faisant avec la tête une série de gestes grotesques à un sauvage :

— Suspendez une minute, s’il vous plaît, votre conversation, monsieur, et, en un clin d’œil nous aurons réglé l’affaire. Je ne me montrerai pas dur, à cause de votre couleur et de votre ignorance païenne. Mes conditions seront faciles, parole d’honneur ! coupez ces liens, mettez-moi en liberté, et je vous céderai gratis tout ce