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CHAPITRE XXXV

Une réunion d’amis


Tandis que se passaient les scènes décrites dans notre dernier chapitre, un jeune homme s’approchait à cheval de cette partie du pays. Sa bête était fourbue des suites d’une course prolongée et elle avançait d’un pas lent, traînard. Cependant le cavalier ne paraissait pas faire beaucoup attention à cette circonstance. Son maintien annonçait une méditation profonde. Il était apparemment dans une de ces dispositions d’esprit qui nous rendent presque indifférents aux objets extérieurs. Son équipement et ses armes indiquaient un aventurier du Nord-ouest. Sa carabine était passée en bandoulière sur ses épaules, ses bras étaient croisés sur sa poitrine, et les rênes flottaient négligemment sur le cou de sa monture.

Le soleil commençait à empourprer l’orient.

— Que me fait le lever ou le coucher du soleil ! murmura notre homme. Il est étrange que la femme exerce une telle influence sur nos sentiments et nos actions. Depuis ma rencontre avec cette jeune fille, je suis changé à ne plus me reconnaître moi-même. Elle se mêle à toutes mes émotions, se glisse dans toutes mes pensées. Belle comme un ange, modeste, et vertueuse autant que modeste, elle m’a plongé dans une servitude d’où il m’est impossible de m’échapper. Cette incertitude à l’égard de son sort devient, chaque jour, de plus en plus insupportable. Est-elle égarée ou a-t-elle péri