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— Le choix des armes vous appartient, dit-il d’un ton plus modéré.

— Je le sais, répondit Iverson, et, ajouta-t-il lentement, je choisirai les armes.

Il appuya si particulièrement sur ces mots que Mark Morrow tressaillit.

— Mais je voudrais, d’abord, poursuivit Iverson, savoir si je vous ai sciemment ou à mon insu, insulté vous ou les vôtres. Comme l’un de nous deux doit mourir, et comme la mort est une chose importante et solennelle, je désire l’aborder en sachant pourquoi, et, avec une bonne conscience si c’est possible.

— Ça ne me paraît pas fort utile, d’autant plus que je vous ai insulté d’une façon qui ne saurait être oubliée, au moins par quiconque prétend au titre de gentilhomme. Qu’il vous suffise de savoir que j’ai, contre vous, un motif de haine mortelle.

Il s’arrêta ; mais incapable de dompter davantage le ressentiment qui fermentait dans son sein, il s’écria bientôt, en écumant de fureur :

— Nous n’avons pas besoin d’intrigants parmi nous ; tout étranger qui vient ici doit prendre garde de ne pas courir sur les brisées de Mark Morrow !

Sylveen ! dit Nick Whiffles, comme s’il se parlait à lui-même.

Les deux antagonistes, par un mouvement commun, jetèrent les yeux sur Nick, puis les reportèrent l’un sur l’autre. Sur leur physionomie, on put lire le mot de l’énigme, que tous deux savaient par cœur, mais ne voulaient pas prononcer. Kenneth rougit jusqu’aux tempes et Morrow resta déconcerté.

Toutefois ils se remirent promptement.

— Me parlez-vous ? dit impatiemment Iverson en s’adressant à Nick.

— Ma foi, non, répliqua-t-il, en tapotant avec la paume de sa main sur la gueule du canon de sa longue carabine ; ma foi, non, mais j’aimerais assez à le faire, quoique vous ayez assez de quoi vous occuper à présent, oui bien, je le jure, votre serviteur !

Kenneth se tourna vers Morrow :

— Vainement, dit-il avec sévérité, vous voulez cacher vos motifs réels. Si vous ne les avouez pas, je puis certainement les supposer.

— Pourquoi diable les demandez-vous alors ? Quelle différence