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l’âme d’un brave bomme a été logée dans le corps d’un chien. Cette créature devrait n’avoir que deux jambes, et vous avez sans doute remarqué qu’elle en a quatre. L’âme d’un homme, ai-je dit ? Dieu bénisse votre simplicité ! Il n’y a pas beaucoup d’âmes assez grosses pour remplir la tête de ce chien ; pas beaucoup qui soient restées comme lui inébranlables dans leurs principes de loyauté, de sincérité et de franchise !

— Je n’ai rien de particulier contre lui, quoiqu’il ne m’ait pas fait les yeux doux, la première fois que je l’ai vu avec cet ange. C’est une sorte de chat sauvage, mais on doit dire qu’il est fidèle. Il ne forme pas une ligne de division, continua philosophiquement Slocomb, mais c’est tout de même une très-bonne espèce de mâtin.

— Mâtin ! répéta Nick courroucé ; pas plus mâtin que vous !

— Comme vous voudrez, comme vous voudrez !

Le cheval, abandonné par le Corbeau, arriva, à cet instant, à un galop furieux.

— Mauvais signe ! dit Tom ; hâtons-nous !

Calamité se traîna à quelques pas de distance et tomba. Il se releva pourtant et essaya de lutter contre cette défaillance, mais ce fut pour tomber encore.

— Il faut le laisser, dit Slocomb.

Nick ne répondit pas. Il s’était assis près du pauvre chien qui faisait de nouveaux efforts pour se remettre sur les pattes et aboyait plaintivement.

— Debout ! debout ! cria le Corbeau. Les Indiens approchent. J’entends déjà le bruit de leurs pas.

Nick leva la tête en disant :

— Mais je ne puis le laisser !

— Avez-vous envie de perdre votre chevelure ! repartit Tom avec impatience.

— Si j’abandonne jamais Calamité, que la Providence m’abandonne aussi ! s’écria Whiffles indigné. Si j’étais mourant et près de rendre le dernier soupir, pensez-vous qu’il me déserterait ? Imaginez-vous que les Indiens, les tomahawks elles fusils l’obligeraient à se séparer de moi ? Supposez-vous qu’il serait fâché d’unir son sort au mien ?

La voix du trappeur tremblait d’émotion, et ses yeux, si peu ha-