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FRÉDÉRIKA BREMER

vallée, et une dépression du cercle de montagnes nous laisse apercevoir le tympanum gris-blanc de Paros et ses deux coupoles sœurs, enveloppées de cette vapeur bleue et transparente qui nous rappelle que la mer s’étend entre eux et notre île. Du côté opposé étincelle le plus haut sommet de l’intérieur de Naxos, planant au-dessus de la montagne de Mélanès : une tête géante sur des épaules géantes, qu’on appelle Bolibay et qui a un singulier aspect.

« Et je n’ai pas nommé la Fontaine de beauté dans la vallée de Mélanès, et la source de sa fertilité, le Fleurio, qui se répand en mille petits canaux à travers les jardins, et fournit l’eau la plus délicieuse. Il bondit au milieu de la vallée ; il serpente et murmure sur un lit profond de blocs et de cailloux de marbre ; ses rives sont enguirlandées de lauriers-roses en fleur, sans parler des magnifiques platanes qui l’ombragent par endroits, et étendent leurs grandes branches l’une vers l’autre à travers le petit cours d’eau qui, dans sa calme mais fraîche carrière et ses méandres capricieux, semble l’image d’une vie paisible et heureuse. »

Une des excursions les plus intéressantes de Mlle Bremer est celle qu’elle fit à la plaine de Marathon, ce lieu témoin de la première grande victoire de l’Occident sur l’Orient. La partie inférieure de la plaine, celle qui longe la côte, était couverte d’abondantes moissons de froment et de seigle qui ondulaient doucement au vent. « Quel monument, demande Mlle Bremer, pouvait être plus beau et plus digne de ces braves dont la poussière s’est depuis longtemps mêlée à la terre ? » Depuis, un monument a été érigé en cet endroit. La romancière suédoise et ses compagnons se reposèrent et dînèrent sur l’herbe à la place où quelques dalles de marbre blanc indiquaient qu’un édifice antique s’était jadis élevé. Tout autour s’étendaient des champs dorés, et des myriades de fleurs étoilaient l’herbe. Dans l’après-midi, ils allèrent en se promenant jusqu’au village de Viana, l’ancien Marathon, pittoresquement situé au pied du Penthélique. Vieux et jeunes accoururent et les entourèrent, pauvre population ignorante à demi sauvage mais aucun d’eux ne demandait l’aumône ; ils se montrèrent même aussi hospitaliers et généreux que le permettait la situation. Ils allèrent chercher des nattes et des matelas de paille, qu’ils étendirent à l’ombre des arbres. Dans une fente de la montagne, juste au-dessus du village,