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LES VOYAGEUSES ANGLAISES

un rosier, et je le compris pour la première fois. Durant la plus grande partie de l’année, ces solitudes sont absolument nues et désolées ; mais le hasard de notre voyage nous les faisait traverser au moment où toutes les plantes sauvages étaient en fleur. Cela faisait la chose la plus merveilleuse que vous puissiez vous imaginer, et leur existence même est une première merveille, car les tiges sur lesquelles elles poussent semblent simplement posées sur le sable, et elles fleurissent là sans une goutte d’eau, sous le soleil brûlant. Cela ne dure que trois mois ; mais c’est aussi ravissant que singulier. Avant notre départ on me disait « Vous verrez nos fleurs sauvages ! » Je répondais : Oui, sans y attacher grande importance. Mais à présent, il me semble que je n’avais jamais vu de fleurs de ma vie. À toutes minutes je voulais arrêter le chariot, faire mettre l’échelle et cueillir ou arracher quelque plante ravissante. Mais nous y serions encore ! Et puis quelle quantité ! On arrivait à un vaste espace bleu, le bleu le plus frais et le plus vif que jamais on ait vu à une fleur, et ce bleu s’étendait autour de nous aussi loin que nos yeux pouvaient atteindre, interrompu seulement par des touffes de grandes fleurs rouges, ou une large plate-bande d’immortelles roses, ou les plumets grisâtres de la « fleur de fumée ». Mais vous autres collégiens, vous n’appréciez pas beaucoup les fleurs, je le crains, de sorte que je ne veux pas vous en dire davantage sur mes extases. »

Des lecteurs catholiques ne liront pas non plus sans intérêt cette description d’un village de missionnaires et l’hommage qui leur est rendu par l’écrivain protestant :

« Pour en revenir à New-Norcia, dès que nous arrivâmes au territoire de la mission, nous remarquâmes de loin en loin une grande croix marquée sur les troncs d’arbres pour en tracer les frontières, et après avoir gravi lentement une côte un peu longue, nous eûmes en face de nous la plus jolie vue imaginable. En bas, une large et fertile vallée avec un grand village ou plutôt une ville très prospère, coupée par des rues et des routes excellentes, de chaque côté desquelles étaient bâties de gentilles maisonnettes. Au centre s’élevaient une vaste chapelle et de belles écoles, tandis que le grand monastère, de l’autre côté de la route, paraissait avoir derrière un superbe jardin descendant jusqu’à la rivière. Cependant, entre notre cavalcade et lui, nous voyions une foule d’arcs de triomphe couronnés de drapeaux et une grande foule, composée principalement de sauvages et de métis, dans leurs plus beaux habits. Une procession de religieux et