le pont, n’eût aussitôt confirmé dans son esprit la sinistre réalité.
Il ventait grand frais sud-est, et la Mouette doublait l’île Manitou, à l’extrémité orientale de la presqu’île Kiouinâ, projetée de vingt-cinq lieues environ de la terre ferme dans le lac Supérieur.
Amarrés à l’arrière du vaisseau flottaient deux canots en écorce de bouleau, ceux-là même qui avaient amené les pirates ; mais ils étaient vides, car les Apôtres se reposaient ou s’occupaient à la manœuvre de leur prise.
Sombre et désolé surtout par la perte de son vieux compagnon, Dubreuil réfléchissait, non sans amertume, aux périls de sa situation, quand le Mangeux-d’Hommes s’approcha de lui :
— D’où viens-tu ? où allais-tu ? et comment te nomme- t-on ? lui demanda-t-il de son air le plus impératif, en fixant sur le jeune homme un regard scrutateur.
Ces questions furent faites en français, bien qu’avec un accent flamand très-prononcé.
Le sentiment de sa dignité conseillait à Dubreuil de ne pas répondre à cet interrogatoire. Mais il était au pouvoir de son ennemi. D’un mot, d’un signe, celui-ci le ferait égorger. Mieux valait se soumettre, ruser. Il résolut donc de se plier aux circonstances.
— On m’appelle Adrien, dit-il, sans ajouter son nom de famille que la pudeur arrêta sur ses lèvres.