Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/119

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Si Dubreuil mangea peu, il n’en trouva pas moins le moyen de faire disparaître adroitement une certaine quantité d’aliments, qu’il glissa dans ses poches, les réservant pour Jacot.

Après le dîner, sous prétexte d’arranger sa toilette, il regagna son cadre et passa ces vivres au dragon en lui disant de ne pas bouger de sa cachette.

— Mais, sans vous manquer de respect, mar’chef, dit Godailleur, je suis moulu là-dessous.

— Tâche de t’y tenir encore jusqu’à ce soir.

— Hum ! c’est une fichue faction que vous m’imposez, mar’chef.

— Que veux-tu que j’y fasse ? si on te découvrait…

— Oh ! je sais bien, je sais bien, je serais flambé, n’est-ce pas, mar’chef ? Oh ! les gueusards de gueusards !

— Assez causé ! dors jusqu’à mon retour ! répondit Dubreuil en se retirant, car il lui avait semblé que l’Écorché l’observait du coin de l’œil.

Pour écarter les soupçons du lieutenant, si tant il était que ce dernier en eût conçus, Adrien prit un air dégagé, alluma un cigare et monta sur le pont.

On n’y remarquait plus une trace de désordre, et la Mouette, gouvernée comme par des marins de profession, sillait les eaux du lac Supérieur, dont la rive méridionale, fortement échancrée, se profilait à quelques milles à l’horizon.