Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/150

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– On insulte les Anglais, et nous sommes plusieurs ici de cette origine.

– D’abord, fit le flegmatique Judas, nous ne reconnaissons pas de nationalité ici. Tu as tort de te fâcher.

– Eh bien, alors, par le diable, je vais chanter à mon tour, et rira bien qui rira le dernier, reprit Thadée.

— Chante si ça te fait plaisir. Mais il me semble que c’est assez de chansons comme cela.

— Non, j’ai dit que je chanterais, et je chanterai !

– À ton aise, répliqua froidement l’Écorché.

Aussitôt Thadée, sautant sur la table, se mit à invectiver la France en une méchante pièce de vers, aussi absurde par le fond que détestable par la forme, débutant par ces mots :

Dam’nd France, dam’nd coward Frenchmen

Dubreuil aurait dû rire des efforts que faisait Thadée pour se rendre comique et qui n’aboutissaient qu’au grotesque, mais notre ingénieur avait la fibre nationale d’une délicatesse excessive ; au premier couplet, il sentit le rouge lui monter au visage, au second il faillit éclater, au troisième, l’explosion eut lieu.

— Scélérat ! proféra-t-il, en faisant un bond pour se jeter sur Thadée.

Par malheur, celui-ci le prévint.

Saisissant une cruche de grès à demi pleine de whisky,