Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/183

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la heurta violemment. Et il l’aurait renversée, foulée aux pieds, peut-être écrasée, si, par un mouvement rapide, elle n’eût fui entre ses jambes.

Cet accident évité, elle fut sauvée, en liberté !

Le soleil n’était pas encore levé, mais déjà un brouillard épais achevait de fondre les objets dans la pénombre du crépuscule matinal.

On ne distinguait pas à cinq pas devant soi.

Meneh-Ouiakon se redressa, se débarrassa, en un tour de main, de la peau dont elle était couverte, la mit sous son bras, et sauta dans un des canots d’écorce amarrés le long du rivage.

Combien peu, même parmi les bateliers canadiens, ces hardis marins, les plus intrépides du monde, eussent osé s’aventurer sur le lac Supérieur, à travers cette brume si intense qu’on l’eût pu couper au couteau, pour nous servir d’une locution du pays !

Et, cependant, la jeune Indienne s’y élança, sans boussole, sans vivres d’aucune sorte, avec son seul instinct pour phare, son amour de Dubreuil pour espoir !

Toute la journée elle resta, accroupie sur les talons, dans le léger esquif, pagayant avec la vigueur d’un homme, ne s’arrêtant ni pour se reposer, ni pour prendre de la nourriture.

Mais, quelques heures après qu’elle se fut embarquée, l’astre du jour avait, après une lutte opiniâtre, vaincu, déchiré le voile grisâtre qui l’enveloppait, et il s’était