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Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/182

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Revêtue de sa peau de jeune taureau, Meneh-Ouiakon se plaça résolûment au milieu du troupeau, que la vieille Maggy fit aussitôt sortir de l’écurie à coups de houssine.

— Tu ne te couches donc pas plus que les chouettes, sorcière ! grommela le factionnaire auquel elle demanda d’ouvrir la porte du fort.

— Mon frère dormait, car, sans cela, il aurait vu que le jour va luire, répondit ironiquement Maggy.

— Le jour ! le jour ! je suis sûr qu’il n’est pas plus de minuit…

— Si je disais au chef qu’il m’a fallu éveiller mon frère…

— Tais-toi ! tais-toi ! je te donnerai un verre d’eau-de-feu ; surtout, ma sœur, ma bonne sœur, ne dis pas au capitaine que je sommeillais, repartit la sentinelle d’un ton singulièrement radouci.

— Il ne le saura pas. Mais que mon frère se hâte de laisser passer les bêtes, car le soleil ne tardera pas à se montrer.

La porte fut immédiatement ouverte, et, mugissant, bondissant les uns sur les autres, se bousculant, les bestiaux se précipitèrent, en tumulte, sur la grève du lac.

Malgré la prudence et l’agilité qu’elle déploya au milieu des lourds ruminants, Meneh-Ouiakon faillit être victime de sa hardiesse dans ce court mais périlleux trajet, car un fougueux taureau, voulant devancer les autres,